Au plus profond des vastes étendues sauvages du Nouveau-Brunswick, une équipe intrépide de chercheurs du Musée du Nouveau-Brunswick (MNB) et d’ailleurs se sont réunis pour la 7e expédition annuelle BiotaNB du MNB.
Leur mission? Découvrir les trésors cachés de la riche biodiversité des forêts de la province, une espèce à la fois. Pendant deux semaines, malgré le harcèlement des moustiques, l’équipe a affronté le terrain impitoyable de la Zone naturelle protégée (ZNP) Nepisiguit, l’une des 10 plus grandes ZNP de la province. Parmi leurs nombreuses découvertes fascinantes se place une panoplie de champignons divers, chacun d’eux constituant une énigme minuscule, mais profonde, qui n’attend que d’être résolue.
Parmi ceux qui n’attendent que de les résoudre se range Amanda Bremner, adjointe à la conservation en botanique et mycologie du MNB. Toujours à l’affut des choses miniatures et mystérieuses, Amanda a passé des années à étudier l’univers souvent négligé des champignons. « Les champignons, c’est comme des petits puzzles », explique-t-elle en soulevant un spécimen délicat d’Amanita muscaria var. guessowii. « Ils ont toutes sortes de formes, de tailles et de couleurs, mais chaque champignon a sa propre histoire à raconter – si l’on sait où chercher. »
La fascination d’Amanda pour les champignons est bien fondée. La famille des amanites, à laquelle appartient l’espèce en question, regroupe certains des champignons les plus ravissants et les plus charismatiques qui soient – et aussi certains des plus vénéneux. « Amanita jacksonii, par exemple, est délicieusement comestible, » note Amanda, « mais on appelle couramment son cousin Amanita amerivirosa “l’ange de la mort” – et pour cause. » Il n’y a qu’un petit pas, bien facilement franchi, entre dîner et danger, ce qui souligne l’importance de bien identifier ce qu’on trouve en cueillant des champignons sauvages.
Alors, comment les experts mycologues comme Amanda parviennent-ils à déchiffrer le code de l’identification? La réponse se trouve dans les spores – de minuscules particules, presque des poussières, que produit le chapeau du champignon. En recueillant une empreinte de spore, les chercheurs peuvent glaner d’importantes indications de l’espèce du champignon, ainsi que de sa taille, de sa forme et même de sa couleur. Mais on ne peut pas simplement dépoussiérer un chapeau de champignon et examiner le résultat au microscope.
Amanda le démontre en sortant un champignon de la famille Psathyrellaceae. Ayant déposé avec soin une partie du chapeau du champignon sur une lamelle, elle attend que les spores arrivent à maturité et laissent leur empreinte. Celle-ci, qu’on appelle une « sporée », est comme une œuvre d’art miniature, un fin lacis de traits et de motifs qui révèlent à l’œil aguerri les secrets du champignon.
Mais il n’est pas nécessaire d’être mycologue professionnel pour tenter sa chance d’obtenir des sporées! Avec quelques armes très simples – un champignon, du papier et de la patience – vous pouvez même le faire à la maison. Il suffit de placer la moitié du chapeau d’un champignon sur du papier blanc et l’autre moitié sur du papier de bricolage noir, puis de les recouvrir pour laisser la nature suivre son cours pendant la nuit. Au matin, il se peut très bien que vous ayez votre propre sporée à examiner.
Évidemment, l’obtention de sporées n’est qu’un seul outil dans la trousse des mycologues. Amanda a bien d’autres tours dans son sac, y compris une gamme de produits chimiques qui permettent de réduire le nombre d’identités possibles d’un champignon. Après avoir ajouté une minuscule goutte de chaque produit à un petit morceau du champignon, elle peut observer la façon dont celui-ci réagit – ou ne réagit pas.
Dans le cas de cette espèce particulière de Russula, les résultats sont dramatiques. Un morceau du champignon vire au rouge profond, alors qu’un autre prend une teinte de vert foncé et qu’un troisième commence à se teinter d’un riche brun terreux. Chacune de ces réactions était un indice précieux qui aide Amanda à réduire la liste des espèces possibles, jusqu’à ce qu’enfin, le mystère soit résolu.
Mais ce n’est pas là la fin du processus. Une fois qu’un champignon a été identifié et étudié, c’est l’heure de le conserver pour la postérité. C’est là qu’entre en jeu le séchoir ultramoderne du MNB. En contrôlant de près la température et l’humidité, l’équipe peut sécher le champignon de façon à les rendre délicatement croustillants, fixant à jamais ses détails complexes.
En s’évaporant, la dernière goutte d’humidité laisse derrière elle un champignon métamorphosé, dont le chapeau fragile demeurera une trace permanente des secrets des sols forestiers. Il témoigne de la force de la curiosité humaine et de l’importance de préserver notre héritage naturel – une espèce à la fois, aussi minuscule et fascinante soit-elle.