GENERAL DOMVILLE − Split, Croatie

La collection d’œuvres d’art du musée maritime croate de Split abrite le portrait d’un voilier qui a joué un rôle important dans l’histoire maritime du Nouveau-Brunswick. L’huile sur toile représentant un trois-mâts en bois, le General Domville, date de la seconde moitié du XIXe siècle. Fait inhabituel, le voilier représenté n’a jamais navigué vers la Méditerranée, et encore moins vers la rive orientale de l’Adriatique, où se trouve la ville de Split, en Croatie. On ne connaît pas les circonstances dans lesquelles cette œuvre d’art est arrivée à Split, mais on suppose que son statut de pièce de musée date des années 1930. L’histoire de cette peinture est probablement liée à l’ancien musée maritime de la Garde Adriatique (Pomorski muzej Jadranske straze), fondé en 1926 et premier musée maritime de Split. Le musée maritime croate de Split ( Hrvatski Pomorski Muzej Split https://www.hpms.hr/), quant à lui, a ouvert ses portes en 1997 et a repris la majorité des artéfacts qui se trouvaient dans les musées maritimes de la ville.

Artiste inconnu [peut-être Pun Woo, en activité dans les années 1880 à Hong Kong], École indochinoise/anglo-chinoise
The Ship General Domville in Hong Kong Harbour, c. 1884
Huile sur toile
44 cm de haut sur 59 cm de large
Collection du Musée maritime croate de Split (Accession #HPMS-775 : SLT-1742-ZL)

Les portraits de navire ont pris leur essor en Europe au XVIe siècle pour devenir, au XIXe siècle, un style bien établi autant en Europe qu’en Amérique du Nord. La peinture du General Domville n’est pas signée, mais elle présente une grande ressemblance avec les œuvres de l’école chinoise (parfois appelée école indochinoise ou anglo-chinoise) consacrée au portrait de navires. Le style pictural de cette école se transmettait entre les peintres de marine d’origine chinoise qui travaillaient dans les ports d’Inde, de Chine et d’autres régions d’Asie entre 1850 et 1910 environ. Une grande partie de leurs revenus provenait des armateurs et des marins européens et nord-américains qui commandaient souvent aux artistes locaux des œuvres qu’ils rapportaient chez eux comme souvenirs de leurs voyages internationaux. Le General Domville ayant navigué dans les eaux de l’Extrême-Orient, plus précisément dans les ports de Bombay (1877), Calcutta (1880), Karachi et Rangoon (1881), Hong Kong (1884) et Yokohama (1888), les archives nous permettent de dater le tableau aux environs de 1884. Les recherches indiquent également qu’il est peut-être l’œuvre de Pun Woo, un artiste qui travaillait à Hong Kong dans les années 1880. Le tableau montre le General Domville, presque toutes voiles dehors, entrant dans le port de Hong Kong. Un drapeau national non identifié se déploie au sommet du mât principal et le pavillon rouge britannique flotte sur le palan de signal de la corne de brigantine. À l’arrière-plan, à droite, se trouvent d’autres navires, notamment une jonque chinoise et un bateau à vapeur.

The Ship General Domville in Hong Kong Harbour – détail

Le General Domville, un navire de 1 605 tonnes, a été construit en 1876 au chantier naval Cruickshank & Pittfield de Saint John (Nouveau-Brunswick) dans le cadre de la flotte Ring appartenant à Zebedee Ring. Le copropriétaire du chantier naval, James F. Cruickshank, inscrit comme capitaine sur les navires de cette flotte, a d’ailleurs été premier capitaine du General Domville. À cette époque, la propriété des voiliers était organisée en 64 parts. Les armateurs initiaux, tous originaires de Saint John, se répartissaient la propriété de General Domville de la manière suivante : Zebedee Ring, marchand (16 parts), James Domville, marchand (16 parts), Charles George Turnbull, marchand (8 parts), James Frederick Cruickshank, constructeur de navires (14 parts), Gideon Prescott, gentilhomme (8 parts) et Susannah Robertson, veuve (2 parts). Le navire doit son nom au lieutenant général James William Domville, né à Greenwich, en Angleterre, en 1817. À partir des années 1840, Domville a commandé des troupes en garnison au Honduras britannique (aujourd’hui le Belize), puis s’est installé à Rothesay, au Nouveau-Brunswick, à sa retraite en 1875. Décédé en novembre 1883, il est enterré au cimetière de Fernhill, à Saint John. Son fils, James Domville (1842-1921), était un des principaux actionnaires du navire.

La rubrique sur les renseignements maritimes du New York Times du 11 mai 1876 indique qu’un nouveau voilier, le General Domville, arrive à Saint John (N.-B.) le 10 mai avant d’être mis à l’eau dans la baie de Courtenay, toute proche. Selon des documents d’archives, le 7 juin, le navire prend la mer pour son voyage inaugural à destination du port de Liverpool, en Angleterre, où il arrive le 7 juillet.

Après le décès de Zebedee Ring à Liverpool (Angleterre) en 1878, la flotte de cet armateur passe sous la direction d’Oliver Pittfield, un des propriétaires du chantier naval où le General Domville a été construit. Cependant, la gestion d’une entreprise dans les dernières années de l’ère des navires à voiles en bois s’avère trop difficile, et Pittfield fait faillite en 1888. Après avoir quitté le giron de la flotte Ring, le General Domville navigue sous les pavillons des frères Wright et de Cruickshank, Gass & Co. À un certain moment, il appartient également à James F. Cruickshank, dans le chantier naval duquel il a été construit. Après 1888, il intègre la flotte Thomson.

En tout, le General Domville a fait au moins 13 voyages au long cours. Il a jeté l’ancre dans de nombreux ports, dont ceux de l’ouest de la France, de la Belgique et de l’Allemagne, qui sont les plus proches de la mer Adriatique où se trouve aujourd’hui son portrait. Au cours de son existence, il a fait l’objet de 45 transferts de parts, la dernière transaction faisant état de 18 propriétaires, chacun possédant entre une et huit parts. On ne sait rien de sa propriété, de ses commandants et de ses itinéraires pour la période allant de novembre 1883, date de son arrivée dans le port français du Havre, à février 1884, date de son départ d’Ardrossan, en Écosse, pour Hong Kong. Il est probable qu’il ait navigué du Havre à Ardrossan pour prendre des marchandises destinées à Hong Kong. La date de son arrivée dans ce grand port asiatique n’est pas connue, mais elle se situe probablement en 1884, au moment où le portrait du navire a été peint. On sait cependant que le General Domville a fait escale à Liverpool en août 1885. Une autre période dont on ne sait rien va de février 1887, date de son arrivée à Hambourg, en Allemagne, à mars 1888, où il a mis les voiles pour Yokohama, au Japon.

Le 5 mai 1891, le General Domville, chargé d’une cargaison de laine et de nitrate, quitte le port de Taltal, au Chili, à destination de New York, le capitaine James A. Corbett au gouvernail. Il n’arrivera jamais à destination. La famille du capitaine, de Great Village, en Nouvelle-Écosse, n’a plus jamais entendu parler de lui et aucun des membres de l’équipage n’a survécu à la disparition du General Domville. Ses registres ont été fermés le 4 décembre 1891 et indiquent « océan Pacifique » en guise de lieu de repos de l’équipage.

Auteurs : Ljubomir Radić, directeur/conservateur, Musée maritime croate de Split, et Peter J. Larocque, directeur, Département des sciences humaines, Musée du Nouveau-Brunswick Photographies : Mario Javorčić, Académie des arts de l’Université de Split
Traduction : Petra Blažević, conservatrice, Musée maritime croate de Split
Conservation/restauration 2009 : Mariana Benković, prestataire indépendante
Recherche : Tina R. McBriarty, adjointe à la conservation, Musée du Nouveau-Brunswick

The Ship General Domville in Hong Kong Harbour – Avant traitement

The Ship General Domville in Hong Kong Harbour – Après traitement

Listes de voyages

  • Saint John – Liverpool : 7 juin – 7 juillet 1876
  • Liverpool – Bombay – Le Havre : 13 septembre 1876 – 11 janvier 1877
  • Le Havre – Cardiff : 8 novembre – 19 novembre 1877
  • Cardiff – Rio de Janeiro – Callao – Huanillos – Anvers : 1er décembre 1877 – 22 février 1879
  • Anvers – Cardiff – Aden – Calcutta – Dunkerque : 3 mai 1879 – 10 août 1880
  • Dunkerque – Cardiff : 26 août – 1er septembre 1880
  • Cardiff – Karachi – Rangoon – Plymouth – Bremerhaven : 3 septembre 1880 – 6 décembre 1881
  • Bremerhaven – Penarth (Pays de Galles) – Rio de Janeiro – Newcastle (Australie) – San Francisco – Le Havre : 3 janvier 1882 – 19 novembre 1883
  • Ardrossan – Hong Kong : 27 février 1884 – 2024.
  • Liverpool – Wilmington – Valparaiso – Lobos – Hambourg : 15 août 1885 – 5 février 1887
  • Yokohama – New York : 12 mars 1888 – [avant le 2 décembre 1888]
  • New York – Melbourne – Newcastle (Australie) – Manille – Boston – Saint John : 2 décembre 1888 – 21 juillet 1890
  • Liverpool – Cardiff – Rio de Janeiro – Talcahuano – Taltal (disparition dans l’océan Pacifique en route vers New York) : 18 août 1890 – mai 1891

Armateurs

Zebedee Ring (flotte Ring) : juin – juillet 1876
Wright Brothers : septembre 1876 – octobre 1877
Zebedee Ring (flotte Ring) : octobre 1877 – septembre 1880
Cruickshank, Gass & Co : septembre 1880 – octobre 1883
James Frederick Cruickshank : octobre 1885 – février 1887
William Thomson (flotte Thomson) : décembre 1888 – mai 1891

Capitaines

James Frederick Cruickshank, né à Saint John (Nouveau-Brunswick) : juin – juillet 1876
George William Stanton, né à Saint John (Nouveau-Brunswick) : septembre 1876 – 10 novembre 1883
J. Jardalla, né à Aberdeen (Écosse), 10 août 1885 – février 1887
Henry A. Everett, né à Plympton (Nouvelle-Écosse), 10 décembre 1888 – 20 juillet 1890
James A. Corbett, né à Londonderry (Nouvelle-Écosse), 10 décembre 1888 – mai 1891

Références en ligne

Ouvrages

  • Esther Clark Wright: Saint John ships and their builders, Saint John, 1976
  • Anthony Tibbles: Illustrated Catalogue of Marine Paintings in the Merseyside Maritime Museum Liverpool, Liverpool, 1999
  • Robert S. Elliot et Alan D. McNairn, Reflections of an Era: Portraits of 19th Century New Brunswick Ships, 1987
  • Norton Wyse, New Brunswick Shipbuilders Checklist

Microfilm

Registres d’expédition, Saint John, Nouveau-Brunswick, volumes 273-283 (Archives et bibliothèque de recherche, Musée du Nouveau-Brunswic