Dans l’Est du Canada, le syndrome du museau blanc (SMB) décime depuis six ans les populations de chauves-souris. Ce champignon microscopique qui se développe en basses températures amène souvent les chauves-souris hibernantes à se réveiller, à voler au froid et à geler mortellement. Au Canada, le SMB a été découvert d’abord en Ontario et au Québec en 2009. Dans les Maritimes, la maladie a été constatée au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse en 2011, puis à l’Île-du-Prince-Édouard en 2013. La situation est devenue désastreuse. À une époque, le zoologue Donald McAlpine, Ph.D., et l’associée de recherche Karen Vanderwolf, tous deux rattachés au MNB, répertoriaient environ 7000 chauves-souris par année dans les 10 sites d’hibernation du Nouveau-Brunswick qu’ils surveillent; l’année dernière, ils n’en ont trouvé que 20 dans les mêmes grottes. Le SMB touche surtout la petite chauve-souris brune et l’oreillard roux et, dans une moindre mesure, les sérotines brunes. Un petit nombre de chauves-souris a une incidence directe sur l’économie agricole et forestière en ce sens que ces bestioles jouent un rôle important dans ces industries en consommant les insectes qui nuisent aux cultures et aux arbres.
L’été dernier des stagiaires en zoologie du MNB (Maddie Empey, Alyson Hasson et Neil Hughes) se sont employés à préparer et cataloguer les quelque 7000 petites chauves-souris brunes, oreillards roux et sérotines brunes de l’Ontario, du Québec et des provinces maritimes qui se trouvent dans les congélateurs du MNB. Ces spécimens provenaient du grand public en vue du dépistage de la rage par un laboratoire fédéral d’Ottawa. Ils ont été donnés pendant la période allant de 1986 jusqu’au début des années 2000, soit avant la découverte du syndrome du museau blanc au Canada. Les chauves-souris qui se trouvent au MNB ne sont pas porteuses de la rage.
Les données obtenues cet été permettront aux chercheurs de comparer la variation génétique de ces chauves-souris de l’Est du Canada avant l’apparition du SMB. Il se peut, par exemple, que certaines chauves-souris survivantes présentent des ressemblances dans leur patrimoine génétique. Une autre recherche pourrait utiliser des échantillons de fourrure pour déterminer le taux de substances toxiques, entre autres le mercure, provenant de l’environnement des chauves-souris.
« Cet échantillonnage est unique en ce sens qu’il constitue probablement la plus grande collection des espèces de chauve-souris les plus touchées par le SMB juste avant que cette infection fongique survienne, explique M. McAlpine. Une fois inscrits dans les archives du MNB, ces échantillons seront une source de données intéressantes pour la recherche pendant de nombreuses années. »
« C’est vraiment intéressant de voir qu’on contribue à de telles recherches », commente Maddie Empey.
La stagiaire du NBM Maddie Empey tient des spécimens de chauves-souris écorchées.
Les stagiaires commencent par mesurer la chauve-souris : la longueur du corps entier, de la queue, du pied arrière, de l’avant-bras, du tragus (saillie aplatie qui prend naissance dans l’oreille et qui joue un rôle dans l’écholocation [mode d’orientation de certaines espèces dans le noir]). La bestiole est aussi pesée.
La peau est séparée du corps. Quoique les os de l’aile restent avec la peau, le reste du squelette est conservé pour être nettoyé et préparé plus tard.
La peau de chaque chauve-souris est étendue et épinglée pour sécher. Une fois sèche, la peau sera déposée dans une enveloppe transparente en Mylar et conservée pour référence future.
Des échantillons de tissu – de petits morceaux de muscle – sont prélevés de chaque carcasse, déposés dans de l’éthanol à 98 % et conservés dans un congélateur. Les échantillons de tissu de chaque chauve-souris à -80 o C sont inscrits dans les archives de la collection de tissus du MNB en vue d’une analyse génétique éventuelle par un collaborateur de la recherche du MNB à l’Université Trent.
Finalement, les carcasses sont placées dans la colonie de dermestidés – ou étable à insectes – pour être transformées en squelettes. Les insectes ne mangent que la chair, ce qui donne des squelettes parfaitement nettoyés. Après leur nettoyage par les insectes, les squelettes sont retirés, congelés, décongelés et recongelés afin de veiller à ce qu’aucun insecte, œuf ou larve ne se retrouve dans le MNB.
« Si ces insectes arrivent ici [dans le Musée], ils vont manger tout et n’importe quoi », explique Mme Empey. Une fois nettoyés et congelés, les squelettes peuvent être archivés dans la collection du MNB pour servir de référence aux fins de recherches.
Dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir du coin supérieur gauche : le préparateur du MNB Brian Cougle et une colonie de dermestidés; M. Cougle montrant des larves de dermestidés; Mme Empey devant un congélateur au laboratoire de nécropsie du MNB.